L'élaboration du vinaigre

La méthode par immersion

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La transformation du mout en vinaigre 

En vinaigrerie, le terme de moût désigne un mélange homogène de liquide contenant de l’éthanol (provenant du vin, du cidre, du malt ou de l’alcool dénaturé), additionné de vinaigre, éventuellement d’eau (utilisée comme agent de dilution pour l’alcool), et si nécessaire d’éléments nutritifs. Le moût est chargé dans d’immenses cuves en bois ou en acier inoxydable, d’une contenance variant de 60 à 1 000 hectolitres.

Ces cuves appelées fermenteurs ou acétificateurs, fonctionnent suivant le même principe de base, leur seule différence se situant au niveau de l’aération. Une turbine, placée généralement en bas de la cuve, insuffle de l’air de façon uniforme dans le fermenteur.

L’air est finement divisé par une série d’injecteurs. Les bactéries ainsi oxygénées prolifèrent rapidement et la transformation du moût en vinaigre se trouve accélérée.

Cette opération produit de l’énergie et fait monter considérablement la température de la cuve. Aussi un système de refroidissement par circulation d’eau froide est mis en place dans des conduites internes, afin de maintenir une température constante et idéale de 30°C. Tout excès de chaleur peut en effet entraîner la lyse  des acétobacter et l’arrêt de la fermentation.

 

Le remplissage et le soutirage de la cuve 

Ces étapes, qui sont les opérations les plus complexes, sont aujourd’hui automatisées et gérées avec une précision experte : maintien de la température de la cuve à plus ou moins un demi-degré.
Le remplissage du fermenteur se fait à partir d’une cuve de stockage du moût et se déroule en plusieurs étapes en fonction du niveau de la cuve et de la température présente dans celle-ci.
Pour les vinaigres d’alcool à fort degré, la concentration du moût doit être constante et ne pas varier de plus d’un dixième de degré.
Un appareil de mesure détermine en continu la concentration d’alcool résiduel du milieu en analysant les gaz de fermentation.
Ainsi dès que tout l’alcool a été transformé en acide acétique ou, pour être plus exact, dès que le taux résiduel d’alcool atteint 0,3 degré (chiffre stratégique car les bactéries ne doivent pas souffrir d’une absence totale d’alcool), le soutirage est déclenché automatiquement et permet l’évacuation du vinaigre jusqu’aux cuves de stockage.
Au-delà de la production de vinaigre, la survie de la souche dépend de la précision au quart d’heure près du soutirage, qui peut avoir lieu de jour comme de nuit. De même, il est important de veiller à l’apport en continu du courant car un arrêt d’oxygénation supérieur à dix secondes peut entraîner la mort des bactéries.

 

Le filtrage

Le vinaigre obtenu par cette méthode sort très trouble du fermenteur, et contient encore des bactéries et des particules d’aliments. Il doit être impérativement débarrassé de toutes ses impuretés par un filtrage minutieux.
De nombreuses technologies sont maintenant offertes aux industriels pour clarifier et filtrer leur vinaigre.
Pour faciliter la phase de filtration, les vinaigriers peuvent avoir recours à une étape préliminaire : le collage. Un agent de décantation, souvent la bentonite (terre minérale argileuse), employée pure ou additionnée de colle de poisson, d’albumine ou même de gélatine, permet aux impuretés de se regrouper en grosses particules avant de se précipiter au fond de la cuve, où elles seront plus faciles à éliminer.

Aujourd’hui, les filtres les plus couramment utilisées sont : les filtres à plaques, les filtres tangentiels en microfiltration à 0,2 micron, et les filtres à diatomées (algues fossilisées). Cette dernière méthode, la plus communément employée, se compose d’une sorte de tamis qui sert de support à la terre de diatomées, laquelle retient les impuretés. Le taux d’acidité du vinaigre peut, si nécessaire, être réduit par addition d’eau lors de son passage dans une cuve de coupage.

 

Le vieillissement

Ce temps de repos, indispensable pour le vinaigre de vin, est propice à la bonification du produit. La dénomination du vinaigre varie en fonction de cette durée. Ainsi, un vieillissement supérieur ou égal à deux mois confère au vinaigre le titre de « vinaigre de vin élevé ou affiné ». Les qualificatifs « élevé » ou « affiné » ne peuvent être utilisés que pour des vinaigres stockés dans des fûts de bois. La nature du bois utilisé pourra être ensuite précisée dans la dénomination de vente du produit, comme par exemple « en fût de chêne ». Au-delà d’un an, on parle d’un « vinaigre de vin vieilli ».

Enfin, une dernière filtration de finition avant la mise en bouteille permet de proposer un produit limpide, brillant, qui pourra être aromatisé au choix.

Le travail du vinaigrier est devenu une œuvre de biologiste, qui sait allier au mieux les richesses de la nature avec les progrès techniques modernes.

 

Source : Caroline Lefebvre, Le vinaigre dévoilé, Aubanel – 2000